LA NUIT BLANCHE à PARIS, 1er OCTOBRE 2005

Publié le par Zoso

Que penser de l'évènement "Nuit blanche" à Paris ?

D'un exclusif point de vue quantitatif, c'est indéniablement un succès. Plus d'un million de visiteurs (mais que veut dire ce chiffre, les mêmes spectateurs étant comptabilisés plusieurs fois ?), une organisation sans faille et un projet  plein de bons sentiments : décoincer le rapport du grand public à l'art contemporain.


D'un point de vue qualitatif, le résultat me semble plus mitigé.


Qu'on le veuille ou non, la Culture est fait par une élite, pour une élite. L'art est plus que jamais affaire de référent. L'intérêt de ce genre de manifestation est donc de créer un terreau de référence pour le plus grand nombre et j'ai bien peur que les "oeuvres" proposées ici ne soient pas des plus judicieuses.



Tout d'abord, la critique la plus fréquente concernant l'art contemporain, reste le manque de compréhension des oeuvres. On peut ne rien savoir de l'histoire de l'art et pourtant trouver "Le sacre de Napoléon" ou "Les Ménines" très beaux. Peut-on ne rien savoir de l'histoire de l'art et comprendre en quoi "Fontaine" est l'oeuvre majeure du vingtième siécle ? Peut-on sans références, penser qu'un urinoir posé à l'envers est particulièrement intéressant ? (je ne vous demande même pas si vous trouvez ça beau)




DAVID "Le sacre de Napoléon"  Duchamp "Fontaine"  VELASQUEZ "Les Ménines"


Donc, si on peut louer le principe d'une telle manifestation, on ne peut que critiquer le manque invraissemblable d'informations concernant les oeuvres. J'ai entendu samedi, sur une chaine du cable, une interview d'une fille (théoriquement cultivée) à propos de "la nuit blanche", qui disait en gros : "C'est vachement bien. Moi d'habitude je n'ose pas aller dans les musées d'art contemporain parce que je comprends rien." Mais que va t-elle bien pouvoir penser du stationnement de 10 voitures sur des planches d'échafaudage ( "Exposition" de Vincent Ganivet) (pour ma part et pour ce que j'en ai vu à la télé, je trouve ça nul) et que va t-elle comprendre des têtes coupées de Nicolas Moulin "A.V.H. A visage humain" progetées sur le mur d'un terrain vague ?


Nicolas Moulin "A visage humain"  "Exposition" de Vincent Ganivet pour la nuit blanche 2005


Il y a bien une plaquette d'information de distribuée devant chaque installation mais le commentaire est minimaliste. Il y est expliqué ce que l'on va voir et pas du tout ce que l'on pourrait y trouver/comprendre. Aucune piste, aucune référence... Pourquoi ? Pour ne pas faire peur ? Ne pas faire trop cultivé ? Ne surtout pas donner l'impression au public que ce qu'il va voir a un sens ?


Effectivement, du point de vue du "manque de sens", c'est plutôt réussi. Beaucoup d'installations semblent extrêmement gratuites (Vincent Kohler et ses ronces noires géantes "Brambles") et s'il faut détecter un lien dans tout cet assemblage hétéroclite, il est probablement à trouver du côté du ludique et de la mise en scène des lieux.  


Ainsi, l'intérêt de la visite de l'installation, "Freq-out" de Carl Michael Von Hausswolff et J.G. Thirlwell, au siège du Parti Communiste Français, Place du colonel Fabien, résidait plus dans la découverte (je ne suis pas communiste et rarement invité aux défilés Prada) du bâtiment d'Oscar Niemeyer que dans la visite de l'installation sonore elle-même.


Siège du PCF, "Freq-out" de Carl Michael Von Hausswolff et J.G. Thirlwell  Siège du PCF, "Freq-out" de Carl Michael Von Hausswolff et J.G. Thirlwell  Siège du PCF, "Freq-out" de Carl Michael Von Hausswolff et J.G. Thirlwell




Finalement, on se dit que cette "Nuit blanche" va au moins nous permettre de découvrir des lieux originaux et intéressants et l'on se prend à sélectionner l'endroit au détriment des oeuvres. C'est ainsi que je suis allé faire un tour du côté de la chapelle des Récollets, la maison de l'architecture en Ile de France, pour y voir "Infraespace" de Laurent Karst (architecte), Jean-Marc Chomaz (directeur de recherche au CNRS) et François-Eudes Chanfrault (compositeur). Une chapelle plongée dans l'obscurité et aux murs tapissés de noir, je me suis dit que même si la scénographie était ratée, le lieu vaudrait au moins le déplacement. Et bien, tout faux, comme d'habitude ! Le lieu était décevant et l'installation franchement très réussie.


"Infraespace" de Laurent Karst, Jean-Marc Chomaz et François-Eudes Chanfrault    "Infraespace" de Laurent Karst, Jean-Marc Chomaz et François-Eudes Chanfrault

 



Des anneaux de vapeur, révélés par un faisceau lumineux, sortaient de cubes noirs au rythme de sonds sourds et réguliers. le résultat était envoutant mais là encore, on était dans le domaine du ludique grand public et pas tellement dans celui de l'art contemporain.


Pire encore, certaines installations faisaient plus penser à la foire du trône qu'à une oeuvre d'art. Devant l'hôtel de ville, deux équipes s'affrontaient pour faire disparaitre des rectangles au sol par leurs propres déplacements sur des séquences vidéos de foules pré-enregistrées !!! Probablement rigolo, certainement interractif, indéniablement un vrai travail mais où est l'art ? ("Upstream" d'Isabelle Grosse)


Autre installation qui m'a un peu échappé, "Promenade" de Didier Courbot. Sur le boulevard de la Villette, on pouvait lire au sol toute une série de noms de personnes célèbres, titres d'oeuvres, citations, éclairées par des guirlandes sorties d'un bal des pompiers du 14 juillet. Quel sens donner à cet inventaire pour trentenaire (on se croirait aux soirées Casimir du grand Rex, toute notre jeunesse défile sous nos yeux) ? L'explication proposée (pour une fois) par le guide, me semble un peu fumeuse : "Tout cela nous rappelle que que la ville est un palimpeste, un manuscrit sur lequel sans cesse de nouveaux textes viennent s'inscrire et recouvrir les précédents. Ici des milliers d'histoires se sont déroulées et s'y déroulent encore." Certes, il se passe des choses dans le monde ... et après ?



Didier Courbot "Promenade"



Un peu plus haut, vers la porte de Cligancourt, Thierry Poiraud (c'est le type qui a réalisé "Atomik Circus", j'aurai dû me méfier !) proposait un parcours qui me semblait enfin allier originalité du lieu (la petite ceinture), référent Culturel (Oedipe de Sophocle/Sénèque) et amusement (enquête à la recherche d'Oedipe). Ca tombait bien, j'avais vu deux jours plus tôt à l'Acatone, "Oedipe roi" de Pasolini. Et bien, je suis toujours à la recherche d'Oedipe ! Par contre, niveau cirque, c'était effectivement atomique...




Thierry Poiraud "Dernier train pour les limbes"  Thierry Poiraud "Dernier train pour les limbes"


On a donc eu le droit à une mise en scène grandiloquente pour animer un lieu plutôt mal choisi (il y a plein d'autres endroits où la voie de chemin de fer de la petite ceinture est plus impressionnante, ne serait-ce que le tunnel juste à côté ou les Buttes chaumont) et en tout cas très loin de "l'ambiance mystérieuse de forêt pétrifiée et de sorcellerie" promise. La promenade, "Dernier train pour les lymbes", nous amenait autour de trois cabanes, la maison de Tirésias (le voyant aveugle qui révèle qui il est à Oedipe) et l'antre du Sphynx (dont Oedipe débarasse la ville de Thèbes en répondant à son énigme). Même en connaissant le mythe je suis incapable de mettre un nom sur les cabanes que j'ai visité. Quel rapport avec le Sphynx et Tirésias ? Quant à la dernière, elle fait vraiment penser au train fantôme de la foire du trone.



Tout ceci n'est-il finalement pas dû à l'essence même de la manifestation ? Grand public donc ludique. La nuit donc lumineux. Le temps de l'installation et de préparation, extrêmement court. Beaucoup de monde donc des oeuvres peux couteuses et qui ne craignent rien (Vous imaginez un des Puppys de Jeff Koons à 4 millions de dollars au milieu de la place du Chatelet ? Cela poserait quelques problèmes d'assurance et de gardiennage).

Le choix des artistes est à ce titre exemplaire, aucune star ou presque. A part François Morellet et Georges Rousse je ne connaissais personne (mais je ne suis pas une référence). C'est d'ailleurs avec une "Nuit Rousse" que je vous propose de finir cette "Nuit blanche".

L'oeuvre de Georges Rousse est extrêmement poétique. Il s'approprie des lieux inhabités et transforme l'espace 3D en 2 dimensions. Ces oeuvres sont habituellement infiniment plus complexes et intéressantes que ça (je vous laisse faire une petite recherche sur la toile) mais évidemment, c'est toujours le même problème, avec peu de temps de préparation et une exposition d'une seule nuit, les oeuvres proposées sont un peu limitées.


Georges Rousse à la piscine des Lilas


Dans la piscine des Lilas, Georges Rousse a ouvert un panneau, a noyé une partie de la piscine (si, si, je vous assure, toute la partie gauche sur la photo d'en haut est entourée de boudins gonflables et noyée), pour créer artificiellement dans le reflet de l'eau ... une lune, à l'intérieur même du bâtiment ! Voilà une idée pour le moins lyrique et c'est avec ce croissant de lune que nous nous quittons...



George Rousse à la piscine des Lilas

Publié dans EXPOs

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B
Tout à fait d'accors sur le côté ludique...
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B
<br /> http://fdrrbwsfgwbrs.host.com<br /> desk3<br /> [url=http://fdrsbwsfgwbrs.host.com]desk4[/url]<br /> [link=http://fdrabwsfgwbrs.host.com]desk6[/link]<br />
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D
pour info:<br /> http://vincentganivet.free.fr<br /> ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------<br /> Cher Bertrand D. , merci pour le lien<br /> Zoso
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E
marrant, on a décidé de parler de houellebecq puis d'art moderne deux fois de suite !<br /> <br /> http://www.lalettrevolee.net/article-973226.html
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S
Petite visite de courtoisie motivée par l'envie de t'inviter à faire un tour sur mon site, à laisser un ou plusieurs commentaire(s), à t'inscrire à la newsletter et éventuellement signer le livre d'or...
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