"J'EN RÊVE" à la FONDATION CARTIER
Angle d'attaque assez simple, pour cette exposition qui vient de se terminer à la Fondation Cartier pour l'art contemporain. Prenez 58 jeunes artistes inconnus, faites les parrainer par des artistes plus installés (Depardon, Penone, Nan Goldin...) et vous obtenez "J'en rêve", exposition ayant pour ambition de nous montrer de quoi rêve la relève. (A mon avis, simplement de prendre la place des vieux, mais cela n'engage que moi). Et le parrainage, me direz-vous, à quoi ça sert ? A rien. Juste à meubler un peu... On ne sait pas pourquoi ils ont été choisis, s'il y a un rapport entre le travail du filleul et celui du parrain (sauf s'il y en a un et que vous avez la culture nécessaire) et ce n'est pas l'indigent catalogue de l'exposition qui va vous apprendre grand chose. Surtout pas d'explications ! Quel sens donner à cette oeuvre, à leur travail ? On en saura rien, c'est flou ... comme un rêve. La deuxième moitié du vingtième siécle s'est passée à se demander quel pouvait bien être le rôle de l'artiste en tant que témoin de son temps (comment et quoi créer après la Shoah ?). Le siècle naissant semble bien loin de ses préocupations. Pour plagier la fille BHL, voici donc la génération "Rien de grave".
Ludique, tel pourrait être aussi le maître mot de cette exposition, tellement on a pas l'impression que l'actualité (guerres, maladies, écologie, attentats, multiplication des candidatures au P.S. ...) alarmante de notre temps ne touche notre belle jeunesse. D'un autre côté, l'humanité se porte t-elle vraiment moins bien qu'au moyen-âge ou qu'aux temps de l'Empire romain ? Ce n'est pas certain... Et puis, peut-être aussi n'ai-je pas su voir un cri de détresse pudiquement caché derrière le masque du clown. Beaucoup de dignité, quoi...
Beaucoup de vidéos dans cette exposition, puisque la peinture ça fait vraiment pas djeunes !
Voici donc une première proposition avec l'installation interactive de l'américain Justin Manor, où il nous faisait jouer avec notre propre image à l'aide d'une manette de type Play-Station. Fimée par une petite caméra, votre image se modifiait sur l'écran devant vous, en fonction de vos pressions sur les boutons de la manette.
Deux autres vidéo "rien de grave" avec tout d'abord Daniel Silvo qui faisait danser des petits pois de couleurs dans une assiette au rythme entêtant d'une musique qui ne vous lachait plus de toute la visite (ça m'a rappelé un court métrage de Jeunet et Caro, "Foutaises" avec le monologue de Dominique Pinon : "J'aime pas laisser un p'tit pois tout seul dans mon assiette".)
Une autre vidéo d'animation de Clare Rojas et Andrew Jeffrey Wright, remportait un vif succès populaire. Une sorte de tube digestif avale tout ce qui passe à sa portée dans des magazines de mode (essentiellement des mannequins femmes (on peut être tube digestif et avoir bon goût)). De temps à autre le visage d'un mannequin homme était transformé en tête de mort. Sans doute une dénonciation de la société de consommation. Quel courage !
Clémence Pérignon, elle, ne se sent manifestement pas à sa place sur cette terre. La voilà qui nous propose des performances filmées où elles se retrouve dans les postures les plus improbables qui soient. Perchée à mi-hauteur d'un poteau téléphonique, plongée dans une rivière avec seule la tête qui dépasse ou encore (voir la photo), allongée au milieu d'un tas de bois, avec là encore, comme seule preuve de sa présence, une tête (c'est ses cheveux ou est-ce une perruque blanche ?) qui émerge. |
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Passons au travail de deux plasticiennes. La première est anglaise, c'est Jennifer Taylor qui nous présente un étrange cabinet de curiosité composé exclusivement d'objets en verre (blancs et non pas verts, contrairement à ce que pourrait laisser supposer la médiocre qualité de mes photos). Certains sont remplis d'un liquide laiteux, le tout étant démultiplié par un jeu de miroirs. Assez envoutant ! |
L'indienne Ranjani Shettar, nous a elle installée une sorte de lustre sans lumière (on peut aussi y voir des intestins en train de sêcher, mais c'est moins poétique). A mi-hauteur d'homme, des grappes rouges de billes plastiques, pendouillent du plafond en un mouvement circulaire. | Cette oeuvre, "le printemps indien", symbolise en fait le passage. Passage entre deux saisons, passage entre artisanat et industrie, passage entre organique et chimique. (J'ai trouvé l'info sur le site de son galleriste New-yorkais, j'aurais jamais imaginé ça tout seul !) |
Quelques amusants (et intéressants ! ) travaux photographiques du français Thomas Lelu. Il s'est inspiré d'oeuvres d'art connues pour se les réapproprier. Par exemple une roue de vélo attachée à un anti-vol (sans le vélo autour bien sûr) se transforme en une "Roue de vélo après Marcel Duchamps". C'est assez frais et réussi ! |
| Pour pénétrer l'univers de Ham Jin, il fallait se déchausser et se munir d'une loupe. Un travail d'entomologiste vous attendait alors, dans le seul but de déchiffrer les titres minuscules qui accompagnaient les non moins minuscules objets posés de-ci de-là. Est-ce un énième travail sur le décalage et l'opposition ? Le musée donnant normalement à voir, alors qu'ici, au premier abord, on ne voit rien ? Une métaphore du travail que doit faire le spectateur pour comprendre une oeuvre ? |
Sans info, nous resterons donc dans le doute... Comme pour malheureusement la plupart des travaux présentés à la Fondation Cartier jusqu'au 30 octobre 2005.