"LE MONDE INACHEVÉ" de MAURICIO DIAS & WALTER RIEDWEG au PLATEAU

Publié le par Zoso

 

Au Plateau, qui est le lieu d'exposition de la FRAC d'Ile de France, vous pouvez voir jusqu'au 27 novembre 2005, une rétrospective du travail de Mauricio Dias & Walter Riedweg "Le monde inachevé".

Ce qui caractérise le travail de ce brésilien (et oui, nous sommes encore dans l'année du Brésil) et de ce Suisse, depuis 1993, c'est l'amour de l'individu. Ces deux là, aiment la singularité de chaque être humain et c'est qu'ils vont tenter de nous montrer à travers le regard porté sur quelques grandes catégories socioculturelles, les prostitués, les demandeurs d'asiles, les immigrés...


C'est d'ailleurs dans cette dernière catégorie qu'il faut chercher le fil rouge de l'exposition. D'après Caroline Bourgeois, la commissaire, il faut voir un rapport entre le sujet global du déracinement et la position excentrée du Plateau. Cela ne sautera pas forcément aux yeux du visiteur et ce n'est pas bien grave. "Le monde inachevé" est probablement la plus intéressante des expos que j'ai vu depuis l'ouverture de ce lieu et ce n'est pas peu dire puisque, à priori, je ne suis pas très sensible à l'art de la vidéo.


"Le monde inachevé" (Pour Dias & Riedweg, le concept de monde inachevé est absolument positif. Puisque le monde n'est pas terminé, tout est donc encore possible) commence par une des deux nouvelles oeuvres pour lesquelles les artistes sont venus à plusieurs reprises en France pour s'imprégner de la situation sociale du pays.


Voici donc "Parcours", travail constitué d'une vidéo et de photographies, qui prend en ce moment (émeutes dans les villes) une saveur toute particulière.



"Parcours" de Mauricio Dias & Walter Riedweg au PLATEAU




Dias & Riedweg ont remarqué, en face du Plateau, des enfants jouant à marcher en équilibre sur des barrières devant leur collège. Parmi ces élèves, certains font parties d'une classe non-francophone du collège Claude Chappe. De là à les filmer et à en faire une métaphore sur la difficulté d'intégration, il n'y avait qu'un pas.


Dans la salle 1, "This is not Egypt" donne à voir à travers une installation de 3 vidéos, "tout ce que l'Egypte n'est pas, vu par les yeux de ceux qui ne sont pas à même de la voir". Voici donc 11 cartes postales touristiques sur le Caire avec entre autre, une femme couverte d'une Burka qui tente de manger une pomme, un chauffeur de taxi interrogé sur l'utilisation du klaxon comme moyen de communication dans les embouteillages ou encore un homme habillé en femme effectuant la danse du ventre ... sur son propre torse vêtu d'un uniforme militaire.



Mauricio Dias & Walter Riedweg "THIS IS NOT EGYPT" au PLATEAU        Mauricio Dias & Walter Riedweg "THIS IS NOT EGYPT" au PLATEAU        Mauricio Dias & Walter Riedweg "THIS IS NOT EGYPT" au PLATEAU



Le titre fait aussi, bien sûr, référence au tableau de Magritte "Ceci n'est pas une pipe". Ces vidéos ne sont donc pas l'Egypte mais la perception de 2 occidentaux dans une métropole musulmane.



Dans la petite salle 2, deux vidéos sont opposées face à face, il s'agit de "Flesh". Dans celle de droite, un enfant de 5 ans mime les gestes effectués par son père à l'occasion du sacrifice d'un mouton. En face, des animaux sont mis à mort dans un abattoir industriel en Suisse.




Mauricio Dias & Walter Riedweg "FLESH" au PLATEAU    Mauricio Dias & Walter Riedweg "FLESH" au PLATEAU



On peut y voir à peu près tout ce qu'on veut. Interrogation sur les rituels et sur la tradition (opposé aux méthodes du monde occidental). Passage de l'ancien testament où Abraham reçoit l'ordre de tuer son fils unique pour tester sa foi. La mort, la vie, le canibalisme... Les limites des images éprouvantes.



Avec "Sugar seekers", Dias & Riedweg donnent la parole aux demandeurs d'asiles (chercheurs de sucres) de Liverpool. Le spectateur est appelé à choisir des mots qui déclenchent alors différentes séquences vidéos.



Mauricio Dias & Walter Riedweg "SUGAR SEEKERS" au PLATEAU                                                              Mauricio Dias & Walter Riedweg "SUGAR SEEKERS" au PLATEAU


Ces immigrés, à la fois résidents et étranger en Angleterre, répondent une fois encore à une interview. Pour déterminer leur réel statut et leurs motivations, ils sont en effet longuement interrogés, parfois pendant plus d'un an, avant d'obtenir un réponse qui tient elle en quelques secondes, un oui ou un non.

Esthétiquement très belles, les vidéos de "Sugar seekers" m'ont un peu laissé de marbre, contrairement à l'installation suivante, "Voracidad Maxima".


Reprenant le marquage au sol "velocidad maxima" (vitesse limitée), que l'on trouve en Espagne, Dias & Riedweg nous proposent une nouvelle installation interactive avec "Voracidad Maxima" (voracité maximale). Une douzaine d'hommes, nus, masqués, sont allongés langoureusement sur le sol d'une rue, attendant que vous, spectateur, veniez en choisir un, comme on choisit une pute dans la rue, pour entamer le dialogue... 

 

Mauricio Dias & Walter Riedweg "VORACIDAD MAXIMA" au PLATEAU

Car c'est bien de prostitués qu'il s'agit.  Dias & Riedweg se sont intéressés à la catégorie des tapins hommes (dont l'écrasante majorité est étrangère), dans un pays où cette activité est interdite.

 

Mauricio Dias & Walter Riedweg "VORACIDAD MAXIMA" au PLATEAU

A travers ces destins individuels, ils nous montrent la prostitution non pas comme une activité illicite mais comme un fait public et urbain, d'où la présentation sur la chaussée, tels des accidentés de la route.

 

Mauricio Dias & Walter Riedweg "VORACIDAD MAXIMA" au PLATEAU

Mais, comme d'habitude, pas de misérabilisme. Les interviews ont toutes lieu dans des chambres d'hôtel, dans des tenues et des positions rappelant à la fois les passes et les séances d'analyses.

 

Mauricio Dias & Walter Riedweg "VORACIDAD MAXIMA" au PLATEAU

Pour libérer le dialogue, les tapins sont masqués. Mais pas par n'importe quel masque. Il s'agit toujours de la reproduction du visage de l'interviewer, Dias, ou Riedweg.

 Mauricio Dias & Walter Riedweg "VORACIDAD MAXIMA" au PLATEAU

Une manière de ne pas juger (tu es comme moi) mais aussi de renvoyer l'artiste au rang de pute qui se vend au plus offrant et qui en l'occurrence se sert des autres pour créer son oeuvre. Le spectateur est lui aussi confronté à ce jeu de miroir. Déjà par son rôle actif dans le choix des interviews mais aussi par les miroirs dont la pièce est habillée. Il est à la fois voyeur et acteur, passif et actif, dérangé et attiré...

Dans la salle d'à côté, 12 photographies accompagnées de textes originaux ajoutent encore de l'humanité à l'ensemble.


Barcelone, le 1er juin 2003

"Je suis né au siècle dernier et je suis encore si jeune..."

 

Enfin, une petite salle, vous offre 3 vidéos traitant là encore d'immigration.


"Mama" montre les relations entre les douaniers américains et leurs chiens.

"David et Gustav" donnent la parole à deux artistes immigrés en Angleterre, David Medalla et Gustav Metzger.

"Os raimundos, os Severinos e os Fransisco" traite de la condition de gardiens d'immeubles immigrés à Sâo Paulo. On peut y voir une sorte de ballet, où ces gardiens viennent s'entasser dans un espace minuscule représentant leur lieu de vie et de travail.



Mauricio Dias & Walter Riedweg "Os Raimundos, Os Severinos e os Fransisco" au PLATEAU



Encore une raison pour vous précipiter au PLATEAU ?

Il y a une autre très belle installation vidéo jusqu'au 27 novembre dans l'espace expérimental, "La solitude" de Katrina Neiburga.

Toujours pas convaincu ?

Le Plateau, c'est gratuit ...

Publié dans EXPOs

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