"TRANSLATION" au PALAIS DE TOKYO (1)
LOST IN TRANSLATION
C'est à un dialogue à six que nous invite "Translation" au Palais de Tokyo, jusqu'au 18 septembre 2005. Un dialogue donc, entre les commissaires de l'exposition, Nicolas Bourriaud, Jérôme Sans et Marc Sanchez, les graphistes M/M, Michel Amzalag et Mathias Augustyniak et bien sûr le collectionneur grec Dakis Joannou. Voici donc présentées les oeuvres de quelques artistes phares de la scène contemporaine. Mis à part l'appartenance à la collection Joannou, elles ont toutes pour caractéristique de s'interroger sur les particularismes culturels des pays de leurs auteurs et de s'attaquer à certains mythes. Une problématique d'enracinement/déracinement (la plupart d'entre eux se sont expatriés à New-York) mais pas seulement. C'est ici la société occidentale dans son ensemble qui est questionnée/traduite par ce choix et cette présentation. Mais n'est-ce pas à cela que doit servir l'art, traduire, filtrer, interroger ? Les oeuvres nous placent sans arrêt dans la position d'un immigré qui doit faire un effort pour comprendre les codes de la société qu'il a devant lui. Entre d'autres termes, traduire pour s'approprier. Et ce n'est pas le titre de l'exposition qui va beaucoup nous aider. Comment faut-il comprendre le mot "Translation" ? Est-ce du français ou de l'anglais ? Avons nous à faire à une traduction, une transmission, un transfère d'un lieu dans un autre ? Manifestement à tout cela à la fois, si l'on interroge l'oeuvre emblématique de l'exposition qui lui prête son nom , "Translation" de Joseph Kosuth, daté de 1966. |
Un travail simple mais efficace. Sur 5 panneaux, où il décline en 5 langues la définition du verbe traduire, Kosuth nous interpelle sur ce qui sépare le concept de la réalité. Effectivement le concept de "traduction" existe dans chaque société, mais chaque fois avec une définition légèrement différente. Chacun saisit un même concept, une même réalité avec ses propres codes, sa propre culture, sa propre Histoire... Voilà donc l'angle d'attaque de cette exposition. Et bien non, ce n'est pas si simple. Comme si tout cela ne suffisait pas déjà à nous rassasier, les commissaires ont invité les graphistes de M/M à réaliser la mise en scène des oeuvres. Et voici donc une nouvelle translation, cette fois entre l'Art et les arts dits "mineurs", ici le graphisme. Résultat ? Une expo surprenante et décapante où la confusion entre oeuvres et décor est parfois totale. |
Mais reprenons la "Translation" par le début. Suivez moi...
C'est une oeuvre de Gabriel Orozco, "Elevator", qui accueille le visiteur avant même qu'il n'ait acheté son billet d'entrée. Au moins le message est clair (enfin, il me semble !), on vous fournit emballage (l'ascenseur) mais pas la machinerie qui permet de le faire monter (en plus il est coupé en hauteur pour renforcer le sentiment d'étouffement). Si vous voulez donc être "transporté" par cette exposition, il va falloir faire un petit effort... Nous laissons sur notre droite la série d'affiches de M/M recyclées en papier-peint pour l'exposition, "Index". Il s'agit de publicités, cartons d'invitation pour un défilé ou affiches de théâtre, précédemment conçues par les deux graphistes. Le tout n'est que du recyclage. Rien n'a été créé pour "Translation" (à part l'affiche de l'expo faite à partir de photos prises chez Joannou et à la fondation Deste), rien d'autre que la mise en scène d'une partie de la collection Joannou avec leur travail fait pour d'autre ! En voilà un bien étrange concept !! Faut-il y voir une critique de la mise en scène habituelle des musées ? Une volonté de soumettre l'oeuvre au décor, soulignant ainsi de façon irritante la place décorative de l'Art au milieu d'un salon ? A l'origine deux expos distinctes étaient prévues, les commissaires de Tokyo ont eu l'idée de les réunir et d'offrir en plus à M/M la possibilité d'une interprétation, d'une traduction de la collection de Joannou. Voici qui interroge sur la pratique de la collection et de l'exposition... Détail qui a son importance, M/M travaille depuis longtemps avec le Palais de Tokyo. C'est à eux que l'on doit le visuel et le graphisme du lieu. Vous savez, les petits bonshommes un peu niais ? |
Nous entrons dans le vif du sujet avec mon oeuvre préférée,
"The dragon has arrived" de Cai Guo Qiang, 1997.
INOCHI, INOCHI, You are alive ! |
- Mais que lui arrive t-il donc à notre petit Inochi ? - Le point de départ est à peu près toujours le même, il est amoureux ! Dans la vidéo "Milk", par exemple, ça se complique lorsqu'il veut lécher la paille de sa promise. L'idée de poser ses lèvres sur les restes de la salive de la belle, est tellement insoutenable, qu'il craque malgré son aversion physique pour le lait. Il se précipite sur la brique de lait et suce la paille avec délectation. Evidemment, il tombe malade et se précipite aux toilettes sous les rires moqueurs de ses petits camarades.... - C'est tout ? - Ben, oui ... Tout cela est légèrement décalé. |
L'artiste iranienne, exilée aux Etats-Unis depuis 1974, ne cesse dans son travail de s'interroger sur les relations homme/femme. Ici, c'est avec la mise en scène d'un rituel funéraire en Iran qu'elle nous propose de réfléchir à cette opposition, mais aussi plus largement aux structures sociales et à la vision que porte le monde occidentale sur son pays. Pendant que des hommes portent le corps d'un défunt, un groupe de femme est affairée à creuser (une tombe ?) avec leurs mains. A l'écart, une fillette, seule, construit à l'aide de pierre un petit monticule (un foyer, un puit ?). quand les deux groupe se rejoignent, un muret s'enflamme. Que faut-il voir dans ce court métrage ? Déjà, que l'opposition orient/occident n'est pas si profonde que ça. Enlevez le décor et vous aurez probablement un rite similaire dans nos sociétés. Les tâches nobles sont attribuées aux hommes, les tâches ménagères aux femmes (comme disait Desproges, l'homme s'élève vers Dieu alors que la femme s'élève sur son tabouret pour faire les carreaux), les enfants sont envoyés jouer dans leur coin). Le film lui même rapproche les extrêmes. La mise en scène est très classiquement occidentale et la musique est de Philip Glass.
Je coupe ici l'article qui, si non, serait un peu long à charger. La suite arrive bientôt, avec l'Afrique et les Etats-Unis ...